Walking New Zealand
- Benjamin
- 24 févr. 2018
- 5 min de lecture
La Nouvelle-Zélande, le pays de la liberté et des paysages spectaculaires. Pour apprécier ce pays à sa juste valeur, nous avons décidé de parcourir le Te Araroa (The long Pathway) qui traverse tout le pays dans sa longueur. Toute l’aventure aurait pris 140 jours, donc nous nous sommes concentrés sur l’île du sud pour profiter de l’été, qui est court sur ce bout de paradis à 19 000 km de notre beau pays.

Arrivée sur l’île du sud à travers les fjords dégagés
L’île du sud est la plus sauvage, elle ne compte qu’un million d’habitants pour 150 000 km² donc les étapes de notre trek ont été de 5 jours pour le Queen Charlotte’s Track et de 10 jours pour le Richmond Range. C’est de ces deux portions dont traite cet article, une expérience unique. Sur l’île du sud, le Te Araroa débute à Ship Cove, où le Capitaine Cook accosta en 1770, un lieu magnifique où nous nous rendons par bateau depuis Picton. La montagne tropicale étend ses palmiers-fougères jusqu’aux pieds d’une plage de sable blanc qui s’enfonce elle-même dans une eau bleue et limpide. Le trek s’étend tout le long d’un Fjord et prend fin au petit village d’Anakiwa.

Ship Cove, début du Te Araroa sur l’île du sud
Nos sacs sont chargés pour cinq jours de nourriture et nos corps ont été un peu ramollis par la cuisine asiatique et le peu de sport que nous avons fait depuis le Népal se limite à l’ascension du Mt Rinjani. Cependant, le sentier est très bien entretenu, si bien que nous marchons plus de 20km par jour. La diversité des paysages que nous traversons est impressionnante. Un matin on se sent à Bali, le virage d’après à Porquerolles où les cigales chantent sur les pins et le soir dans une forêt de grands arbres coiffés à l’européenne qui nous protègent des derniers rayons du soleil. Les nombreux promontoires que propose cette balade et le temps parfait qui nous suit tout au long de ce séjour nous permettent d’admirer des paysages qui nous laissent sans voix. L’île du nord se dessine à l’horizon, des maisons isolées du monde sont cachées dans des criques poissonneuses et les montagnes se dessinent au loin, haut dans le ciel. Après cinq jours de sueur et d’émerveillement nous arrivons à Anakiwa. Dans ce petit village reculé nous rencontrons John et Riki qui nous hébergent une nuit et nous prêtent même leurs canoés pour explorer le Fjord. Le soleil se couche et les nuages dansent dans le ciel, nous finissons merveilleusement le Queen Charlottes’s track.

Vu imprenable le long du Queen Charlotte’s Track
Le lendemain nous nous rendons à Havelock, dégustons des moules qui sont la spécialité locale et faisons nos courses pour dix jours d’autonomie. Au menu, couscous, peanut butter, wraps, flocons d’avoine et cacahuètes, en gros de l’énergie, des protéines et des bonnes graisses. En revanche, une fois que tout est rentré, les sacs doivent facilement dépasser les 30kg. Et oui, quand on fait un tour du monde, on transporte beaucoup de superflu inutile en trek (comme l’ordinateur qui sert à écrire ces lignes). Nous sommes donc très embêtés, mais nous sommes aussi des randonneurs débutants donc la charge ne nous fait pas si peur. L’ignorance à ses avantages. Nous quittons Havelock avec confiance et attaquons le Richmond Range. Les premiers jours sont relativement simples car jusqu’à la Pelorus River le dénivelé est très faible. Nous faisons du camping sauvage en attendant d’entrer dans les zones équipées de « Hut ». Ce sont de petits abris équipés de quelques lits superposés, d’un poêle et d’une citerne d’eau. Il y en a tout le long du Te Araroa et c’est une réelle bénédiction par mauvais temps, comme vous le verrez par la suite.

Hut en pleine nature, dans un cadre sauvage et merveilleux
A partir de ce moment, nous attaquons les journées à fort dénivelé. Heureusement, nous avons eu la bonne idée de nous munir de bâtons de marche, sans lesquels tout aurait vraiment été plus difficile. Pour sortir du « bush », il nous faut gravir 900m en une matinée. Le poids des sacs se fait grandement ressentir, surtout qu’à cause du manque d’eau, nos gourdes sont pleines. Nous atteignons une crête toute pelée et le Richmond Range s’annonce devant nous. Un immense cirque mène au Mt Rintoul qui culmine à 1700m d’altitude, dont les pentes sont effrayantes. Durant cette journée, nous marchons 12 heures pour seulement 20km. Nous avions prévu de marcher moins, mais un cyclone tropical est censé s’abattre sur la Nouvelle-Zélande sous peu et il nous faut passer les hauts sommets et cols avant qu’il n’arrive.

Le Mt Rintoul se profile à l’horizon. Malheureusement, les nuages l’envelopperont quand nous atteindrons le sommet
Le lendemain, le ciel est parsemé de nuage gris et arrivés au sommet du Mt Rintoul, les vents se battent sur le pic et nous déséquilibrent, la pluie fouette nos visages et l’épais nuage qui cache ce chaos aux yeux du monde nous cache aussi les repères visuels dont nous avons besoin. Nous tournons un moment, puis un piquet orange sort du brouillard. Nous commençons à descendre sur une pente très raide recouverte de pierres glissantes qui se détachent. Il nous aura fallu 6h d’intenses efforts pour venir à bout de ces 6km très difficiles. Nous nous réfugions dans une hutte au bord d’un lac et, alors que la tempête se renforce, nous allumons un feu dans le poêle. Le lendemain nous sommes assignés à résidence toute la matinée à cause de la météo et l’après-midi, un peu plus clémente, nous voit continuer notre route. Les rafales ont déraciné des arbres immenses qui nous barrent la route. Quand le vent souffle, on peut entendre le grincement sinistre des troncs moisis par l’humidité. Nous nous hâtons et atteignons la prochaine hutte. Nous ne pouvons pas continuer ce jour-là car la rivière est trop violente et trop haute pour être traversée. Nous apprendrons plus tard que sur la partie nord du Te Araroa des randonneurs audacieux sont morts en essayant de traverser une rivière trop haute. Nous patientons donc. La rivière ayant considérablement perdu en vigueur, nous poursuivons notre route sur un sentier étroit et glissant où une chute serait mal venu car nous serions jetés dans la rivière. Nos chaussures sont trempées et elles le resteront jusqu’à St Arnaud où cette portion finit. Le beau temps revient et le décor retrouve toute la magie que nous lui connaissions. Cependant, nous sommes vraiment fatigués et mon corps réclame de la nourriture riche et en quantité. La purée et la semoule ça va deux minutes mais il y a un moment où la faim se fait ressentir, surtout en vue des efforts quotidiens que nous faisons.

Vue dégagée sur le Richmond Range
Nous parvenons finalement à St Arnaud et récupérons le colis de provisions que nous avions envoyé. Comme l’île du sud est très sauvage, il n’y a pas de magasin dans toutes les villes et si on veut rester sur le trek, il faut s’envoyer des colis. Nous profitons du lac Rotoiti et nous mangeons des pizzas régénératrices dans un restaurant. Etre en autonomie pendant aussi longtemps m’a appris à apprécier les aliments à leur juste valeur, à savourer au lieu de manger en pensant à autre chose. Mais j’ai surtout réalisé à quel point la cuisine avait une importance capitale dans mon humeur du jour et dans ma vie. Combien de fois me suis-je surpris à penser à de bons petits plats ?
Notre chemin s’arrête malheureusement à 10km après St Arnaud car Kévin se tord la cheville en glissant sur une racine. Le sentier était pourtant bien plus facile que ceux que nous avions arpenté jusqu’à présent, comme quoi il faut toujours faire attention et être vigilant quand on se balade avec des gros sacs sur le dos. Cette expérience reste une aventure extraordinaire que nous n’oublierons pas et qui a mis nos corps à l’épreuve. Le corps humain peut faire beaucoup de chose quand on en prend soin… même faire 250 km à pied.

Bye bye lac Rotoiti
Comments