La nourriture au... Népal : Le Dhal Bhat
- Kinou
- 24 oct. 2017
- 5 min de lecture
La joie de vivre et le jambon, y'a pas trente-six recettes du bonheur ! - Karadoc
Ah la nourriture ! La bouffe, la graille, la bonne chair, la boustifaille comme on peut l'appeler. Après 3 semaines passé au Népal, je pense pouvoir dire ce que je pense sans choquer personne : deux visions de la table s'opposent !
En France, la nourriture est élevée au rang d'art - tout étant très ritualisée et normée - là où, au Népal elle ne me semble être qu'un besoin physico-pratique pour vivre.
En France, quand on va au restaurant, on mange tous ensemble, en même temps. Le principe est simple : savourer le moment présent, ensemble, en dégustant, en même temps, les mets que l'on a commandés et qui arrivent à l'unisson. C'est un moment de sociabilité où on échange avec les autres sur la qualité de leur plat, s'ils aiment ce qu'ils ont pris, si ce n'est pas trop chaud ou trop salé. Il y a un échange, une discussion autour de l'assiette. Et ça nous semble normal à nous, français que nous sommes.
Mais ça ne se passe pas comme ça ici. Pas du tout. Pas ici, pas au Népal ! Au Népal, on a le temps. Le temps d'attendre.
On a déjà dû attendre nos plats plus d'une heure 30. Et il n'est pas rare que d'autres personnes, arrivées après nous soient servies avant nous. Tout dépend de ce que l'on commande, on l'a appris plus tard, même si là la logique semble absente. Mais encore une fois, on a le temps d'attendre ! Si ce n'est pas pour maintenant, c'est pour après. C'est un psaume que semblent se répéter souvent les gens ici, quand ils attendent un bus dans un endroit insolite ou qu'ils attendent sans bouger que quelqu'un rentre dans leur boutique !
Plongeons maintenant (les doigts) dans le vif du sujet !
Le Dhal Bhat (DB) est LE pilier central de la gastronomie népalaise. On pourrait même dire qu'il est la tête d'affiche ici. Le reste (momo, curry, chowmein, thukpa...) fait office de simples figurants, passants dans l'ombre d'une star reconnue.
Mais qu'est-ce que le Dhal Bhat ?

Exemple de Dhal Bhat (de gauche à droite, ici : Les divers piments, la soupe de lentilles, le poulet et les légumes au curry)
Plat traditionnel Népalais, que notre porteur et notre guide ont engloutis quasiment à tous les repas pendant les 16 jours de notre trek, le DB possède toute une personnalité. Par nécessité, il est traditionnellement végétarien - la viande étant plutôt rare en altitude - mais il n'est pas rare d'en trouver au poulet ou même au yack. Ce plat est servi dans de grandes assiettes métalliques à large rebords, très compartimentées. Chaque constituant du plat à son compartiment car lorsque le DB est servi, rien n'est mélangé. Ce soin est laissé à la personne qui va le manger. Le plus grand compartiment est là pour accueillir une grosse portion de riz blanc, un peu collant, et toujours servi très chaud. Ensuite, les autres alvéoles, de tailles identiques, servent à accueillir une sauce pimentée (ou un mélange de piments), une portion de légumes au curry (donc légèrement pimentée), un peu de verdure supplémentaire (majoritairement des épinards bouillis) et une bolinette (c'est un petit bol) contenant une soupe de lentilles, légèrement mixée. Souvent, tout cela est servi avec une petite galette frite au poivre, une Dry Papad. La viande, quand il y en a, est, elle aussi, servie dans une bolinette à part. Mais ce géant de la gastronomie népalaise s'adapte à tous les rôles. Le Dhal Bhat ne semble pas avoir de recette fixe, bien définie. Il peut donc y avoir de la viande comme il peut être strictement végétarien, il peut être accompagné d'une sauce Chili ou bien de petits morceaux de piments. Parfois même on le mange avec un peu de ce yaourt Népalais appelé Lassi. Par tradition nominale, le Dhal Bhat devrait avoir au moins deux ingrédients, des lentilles (Dhal en Népalais) et du riz (Bhat en Népalais) mais encore une fois rien de bien fixé. J'ai eu l'occasion d'expérimenter le Dhal Bhat sans lentilles, remplacées qu'elles étaient par des fèves, des beans ou des pois. Dans tous les cas c'est très bon mais un peu déstabilisant pour un français habitué à une cuisine contrôlée.
Tout ça fait que l'on découvre le Dhal Bhat à chaque fois qu'on en mange. On est loin de la rigidité normée des plats français !
"Non surtout pas d'oignons dans le gratin dauphinois ! Sinon c'est plus un gratin dauphinois !"
Autre facette de la personnalité du DB est qu'il se mange traditionnellement avec les doigts. Ceux de la main droite uniquement, pour des raisons d'hygiène (la main gauche étant utilisée pour l'hygiène personnelle). C'est un peu compliqué la première fois mais on prend vite le pli. La technique est simple : on forme une cuillère avec les 4 doigts joints, on attrape une portion de riz mélangée à n'importe lequel des accompagnements et l'on pousse tout ça dans sa bouche avec le pouce laissé libre. Les portions servies sont énormes mais avec cette technique, bizarrement, elles sont englouties en quelques minutes.
Petit paradoxe Népalais : bien que le Dhal Bhat soit généralement rapidement servi - il y en a quasiment tout le temps aux heures de repas, sur le feu, vu que tout le monde ou presque en mange - il peut arriver d'avoir à attendre un peu. Mais dès que tu es servi, tu peux être sur que 5 min après on va venir te resservir. Car le Dhal Bhat, ce plat national est systématiquement resservi. Tu n'as même pas besoin de le demander. À peine ton plat mélangé, - ce qui peut te prendre quelques minutes, plonger ses doigts dans du riz bouillant n'étant jamais très agréable - on vient te demander, soucoupes et soupières en main si tu en veux encore une portion complète, juste du Riz (Bhat), des Lentilles (Dhal) ou un des accompagnements.
"Laissez-moi le temps de manger !"
Mais cela fait partie du charme de ce plat et on ne refuse jamais d'être resservi - malgré les proportions gargantuesques des portions - tant ce plat est digeste et tant on a faim après une matinée de trek. Il faut juste savoir que les heures classiques des repas en trek tournent autour de 10-11h et 17-18h ! Le DB à 10h déstabilise un peu au début mais rapidement on attend plus que ça !
Attention, je ne parle ici que de ce que j'ai pu voir dans les endroits où je suis allé, les restaurants où l'on commande nos plats. Je n'évoque pas les repas en famille beaucoup plus conviviaux et humainement sociaux.
Vous trouverez d’excellentes recettes de ce plat typique un peu partout sur internet, je vous laisse chercher !
Comments