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Pensées nocturnes

  • Kinou
  • 3 mars 2017
  • 3 min de lecture

Ce qu'il faut c'est écrire une phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses.

Ernest Hemingway


J’ai peur.


Je ne saurais pas quoi écrire sur l’étiquette du bocal où sont enfermées mes angoisses mais le fait est là, j’ai peur. Je vous rassure, je ne suis pas en train de paniquer et de perdre mon envie de partir, loin de là ! Ce tour du monde c’est le plus excitant projet que je n’ai encore jamais eu à bâtir, le plus grande entreprise dans laquelle je ne me suis jamais lancé et au final ça sera l’aventure la plus enrichissante de ma courte vie, celle sur laquelle je construirai mon avenir. Comprenez-moi, j’y pense depuis tellement longtemps… Pour être honnête j’en ai toujours rêvé – aussi loin que je puisse m’en rappeler en tout cas. Mais j’ai peur. Peur d’avoir idéalisé ce que je vais vivre, peur de ne pas trouver ce que je pars chercher, peur de revenir déçu, peur de revenir déconnecté… peur de revenir.


Je suis en permanence stimulé par ce projet, avec la quantité de travail qu’il y a à fournir en amont. Il suffit de m’entendre en parler pour en avoir la confirmation – il paraîtrait même que je suis « trop déconnecté de mon avenir professionnel » selon certains. Mais quand j’y pense vraiment, que je me pose dans mon lit le soir et que je prends le temps d’ouvrir ce bocal que je renferme en moi, le fait est là. Bien sur, ce sentiment est démultiplié par les conditions dans lesquelles j’y pense (le soir, la nuit plutôt, souvent tard) mais c’est souvent révélateur d’une vérité enfouie, inexprimée que l’on s’efforce de garder enfermée.


Je serais loin de chez moi, loin de ma famille, de ma routine. Adieu zone de confort et sécurité, que nous considérons, inconsciemment, comme si naturels. Je serais déboussolé, probablement aveuglé par tant de nouveaux lieux, de choses à voir. Je serais assailli par tant de nouveaux sons, de nouvelles odeurs, de nouvelles saveurs. Je serais bousculé par tant de nouvelles façons de faire et de penser.


Mais je sais que je ne serais pas perdu. Désorienté oui, mais pas perdu.


Ces nouveaux lieux ne seront que les promesses d’extraordinaires aventures. Ces nouvelles odeurs ne seront que d’enivrants parfums. Ces nouvelles façons de fonctionner ne seront que de nouvelles coutumes. Tant de choses à découvrir, d’expériences à vivre, de traditions à comprendre.


Et puis il y a le retour, si redouté. L’angoissant retour à une vie normale, banale. Quand on décide de partir, on a fait un choix – sans forcément l’avoir exprimé. Il n’y a pas 36 façons pour nous de faire le tour du monde de nos rêves : il faut s’isoler – en grande partie, pas totalement, sinon quelle serait la logique de ce blog ? – du monde que nous connaissons pour arriver à nous concentrer sur nous-mêmes et sur nos expériences. Mais se dire qu’on laisse tout derrière, qu’on abandonne famille, amis, copine – et même animal de compagnie – a de quoi en rebuter plus d’un. Mais les conséquences de cette fuite en avant ne peuvent être simplifiées à un simple départ. Les conséquences du retour ont aussi de quoi décourager les moins déterminés. Nous ne mettons pas simplement le monde sur « pause ». Il ne nous attendrait pas – et c’est aussi pourquoi il nous faut partir maintenant. On laisse notre vie en suspens mais celle de ceux à qui on tient continue, s’accélère même. Et c’est peut être ça le plus effrayant. À notre âge, c’est le premier emploi, le premier emménagement en couple, le premier prêt (pour les plus malchanceux), le premier enfant (pour les plus sûrs d’eux). Les gens vont changer, grandir et nous ne retrouverons jamais ces personnes. Lorsque nous reviendrons, elles auront disparus, remplacées par des versions plus matures de ceux que nous aimions. J’aurais loupé tellement de moments-clefs de leurs vies que j’ai peur, au final, d’en sortir, d’être oublié.



Mais bon, je ne serais pas tout seul après tout. Ce tour du monde c’est un rêve commun auquel on donne une substance à trois, une utopie que nous faisons vivre à plusieurs. Je sais que ces deux autres paires de chaussures seront là pour prendre soin de moi pendant ce temps d’errance. Famille, amis, repères, ils seront tout ça pour moi, et je serais tout ça pour eux. Penser à ça, me redonne assez de courage pour refermer ce sombre bocal. Et alors je sais que tout ira bien.


Tout ira bien…


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